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Le greenwashing de l’industrie plastique

Bioplastique, biodégradable, « sans BPA »… Les techniques pour nous faire avaler que le plastique peut être quand même fantastique ne manquent pas. Mais existe-t-il un plastique vraiment sain et écologique ?  

Que se cache-t-il sous le terme « plastique » ?

Un peu de pétrole…

Le plastique est une matière qui résulte d’une synthèse chimique. Pour l’obtenir, on choisit une molécule, généralement issue de la pétrochimie, que l’on assemble de façon répétée. Cet assemblage donne naissance à une longue chaine très stable, appelée polymère. Selon la molécule de départ et la forme finale du polymère, on obtiendra des propriétés différentes. Le plastique pourra être plutôt mou ou au contraire très dur, rigide et cassant ou bien souple et pliable…

bioplastique polymere synthétique

… et beaucoup d’additifs

Mais le plastique ne serait pas aussi fantastique sans la poudre de perlimpinpin préférée des industriels : les additifs ! Ce sont d’autres molécules qui viennent se greffer aux polymères pour ajuster leur comportement. Si on a besoin d’assouplir un plastique, on lui ajoute des phtalates. Si on veut allonger sa durée de vie, on lui ajoute des stabilisants pour le protéger des effets de l’oxydation ou des UV. Tout est possible ! Ignifugeants pour éviter l’embrasement de la matière en cas de feu, antistatiques pour repousser la poussière, antifongiques et bactéricides pour protéger la matière des moisissures et bactéries, comme des nanoparticules d’argent, par exemple.

Le bioplastique, il est bio ou il est moche ?

Depuis que le plastique a vu sa cote diminuer auprès des consommateurs, les industriels ont trouvé la parade parfaite : le bioplastique. Et ce qui est super avec cette appellation – très tendance au passage, c’est qu’on peut tout y mettre.

Le « bioplastique » qui veut dire « biosourcé »

Le pétrole, ce n’est pas vendeur. Du coup on a trouvé une autre manière d’obtenir des polymères aux propriétés plastiques : les végétaux. Le maïs, le blé, l’eucalyptus, la canne à sucre ou encore le ricin, par exemple, sont très utilisés aujourd’hui. Et s’il est vrai que dans l’esprit des gens, biosourcé veut dire « qui vient de la nature » et est donc « sans risque pour l’environnement et la santé », ce n’est pas tout à fait le cas ici. Ouiii mais ça vient du maïïïs, c’est comme du pop-corn, non ? Bah en fait, pas vraiment non.

bioplastique végétal maïs

En réalité, sous cette première définition possible du bioplastique, on trouve uniquement l’aspect naturel et renouvelable des ressources utilisées.

  • Problème numéro 1 : un plastique biosourcé ne l’est pas forcément à 100%, il peut ne l’être qu’en partie, le reste étant donc pétrochimique.
  • Problème numéro 2 : rien n’empêche l’utilisation d’additifs complémentaires, même les plus décriés.
  • Problème numéro 3 : biosourcé ne veut pas dire nécessairement biodégradable, et c’est même d’ailleurs rarement le cas !

Conclusion : un plastique d’origine naturelle n’en reste pas moins… du plastique.

Le « bioplastique » qui veut dire « biodégradable »

En fait, tous les plastiques sont biodégradables, c’est-à-dire qu’ils peuvent tous finir par se dégrader sous l’action de micro-organismes naturels. La question est plutôt de savoir sous combien de temps cette dégradation va avoir lieu, et dans quelles conditions. C’est là que le bât blesse. Rendre un plastique biodégradable n’est pas une mince affaire, car ce qu’on aime chez le plastique, c’est justement sa résistance.

Peu importe l’origine pétrochimique ou végétale, il n’existe qu’une seule norme européenne définissant la biodégradabilité du plastique aujourd’hui. Malheureusement, cette norme concerne le compostage en usine, qui assure des conditions optimales de dégradation, et pas le compostage domestique. Pour nos plastiques du quotidien, cela n’est donc utile que si on les renvoie en usine via la poubelle de déchets recyclables. Sauf que peu de collectivités gèrent ces emballages pour le moment, qui finissent, en grande majorité, leur vie dans les poubelles à ordures.

Alors, déçus du bioplastique biodégradable ? En tout cas, une chose est sûre : tout ce qui provient de la nature n’est plus très naturel après être passé entre les mains de l’Homme…

plastique ordure biodégradable recyclage

Le « bioplastique » qui est biosourcé ET biodégradable

Celui-ci paraît bien sous toutes les coutures : il est sourcé de façon respectueuse et il est biodégradable. Oui… mais il est encore rare dans notre quotidien ! L’effort dans la recherche et l’utilisation est à saluer, et j’espère qu’il va perdurer. Car il est difficile de mettre au point un plastique qui se dégrade suffisamment rapidement dans la nature, mais qui garde ses propriétés le temps de son utilisation, le tout à un prix compétitif. Enfin, espérons que les filières de transport des déchets vers les usines de compostage se développent rapidement, afin que ces plastiques biodégradables portent bien leur nom…

Plastiques à usage alimentaire : vraiment sans risque ?

La problématique des additifs

La principale problématique pour la santé du plastique est le relargage de ses additifs. Ces substances sont facilement détachées de la matière, dès lors qu’elles se retrouvent dans un environnement favorable : chaleur, gras, acidité, humidité, friction… Or, la plupart des additifs sont toxiques. Tout le monde a entendu parler des phtalates ou des bisphénols, pour ne citer que des exemples connus. Ce sont des perturbateurs endocriniens soupçonnés ou avérés et on les retrouve pourtant dans tous les plastiques de notre quotidien. Jouets mâchouillés par bébé, brosses à dents, bouilloires, cafetière, biberons, mais aussi bouteilles d’eau, ustensiles de cuisine…

Et quand une loi passe enfin pour en interdire un, les industriels en dégainent un autre, parfois pire que le premier. C’est ce qui se passe depuis quelques années avec les bisphénols. Le bisphénol A, dit « BPA », était massivement utilisé comme additif alors que c’est un perturbateur endocrinien avéré. Depuis son interdiction, il a été remplacé par d’autres bisphénols, comme le « BPS », qui fait parler de lui à son tour. Le problème du BPS ? Le même que le BPA… mais en plus méchant ! Le BPA a l’avantage d’être facilement évacué, là où le BPS, au contraire, s’accumule dans l’organisme.

Le relargage des microparticules de plastique

Les polymères de plastique ont beau être des molécules très stables, il n’empêche qu’elles relarguent quand même des microparticules. S’il s’agit d’un emballage alimentaire, ces particules vont migrer dans la nourriture que tu vas manger ou boire – coucou la bouteille d’eau tant appréciée des Français… S’il s’agit d’une brosse à dents, d’un anneau de dentition pour bébé, ou de couverts en plastique, c’est directement dans la bouche que sont relarguées ces particules.

bouteille eau plastique contamination particules

Ces microparticules se retrouvent immanquablement dans notre environnement. Et la pollution au plastique de la planète est telle, que les animaux concentrent tous du plastique dans leur chair. Les poissons et crustacés sont particulièrement touchés, via les déchets présents dans les océans et les fleuves. Au total, entre eau et alimentation contaminées, et objets du quotidien à usage alimentaire, on estime qu’une personne ingère plusieurs grammes de plastique par semaine !

Que croire d’un plastique revendiqué « sûr pour la santé » ?

Entre avis personnel et conclusions des différentes études scientifiques, je dirais pour ma part qu’aucun plastique ne peut être véritablement considéré comme « sûr ». Tout simplement car cette matière n’est pas suffisamment inerte, contrairement au verre ou à l’inox, qui sont donc à privilégier pour les usages alimentaires. Même si certains plastiques résistent mieux que d’autres à la chaleur et aux attaques en tout genre, on voit bien qu’ils finissent par se dégrader.

Or un plastique initialement transparent qui commence à s’opacifier, un plastique coloré qui blanchit, ou une boite qui se déforme, c’est un plastique dont il faut se méfier !

Pour finir, comme pour toutes les revendications des industriels, « sans quelque chose » ne veut pas dire « sans risque », tout comme « sans BPA » ne veut pas dire « sans additifs ». Et quand c’est carrément « sans risque » ou « sûr » qui est certifié par le fabricant, je m’interroge fortement sur la façon dont ils ont mené leurs analyses et études toxicologiquessi toutefois ils en ont vraiment réalisé – et les conclusions qu’ils en ont tiré…

Sources :

Mes cours d’IUT et de licence Chimie, qui m’ont fait avaler du plastique à toutes les sauces. Je me souviens encore du jour où j’ai synthétisé des billes de nylon à partir d’éther de pétrole et de celui où j’ai fait du « bioplastique » avec de l’amidon de maïs et de la cellulose de bois.

Les définitions de Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mati%C3%A8re_plastique et https://fr.wikipedia.org/wiki/Bioplastique

Le « réveil » face aux bisphénols (on a le temps d’avoir d’autres appels au scandale avant de voir une nouvelle interdiction arriver, manque d’alternatives fiables oblige !) : https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/quatre-questions-sur-l-etude-qui-alerte-sur-les-effets-du-bisphenol-s-le-remplacant-du-bisphenol-a_3541353.html

Les études sur les quantités de plastique avalées, relayées par les journaux : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/un-individu-moyen-pourrait-ingerer-jusqu-a-5-grammes-de-plastique-chaque-semaine-20190612 et https://www.rtl.fr/actu/bien-etre/on-avale-en-moyenne-52-000-microparticules-de-plastique-par-an-7797811580

2 commentaires

  • Biotipful

    Coucou,
    Je te remercie pour cet article qui fait froid dans le dos.
    Il va vraiment falloir stopper le plastique…
    Pour les sacs plastiques « naturel » je m’en doutais vrziment. J’espère que les gens finiront par boycotter…

    • Eleni

      Pour certaines applications comme les sacs, on peut vraiment se passer du plastique en plus !
      Merci pour ton retour sur l’article et le partage 😉

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