Nanoparticules : vers un futur scandale ?
Si certaines applications des nanos laissent rêveur, qu’en est-il des risques pour la santé et des effets sur l’environnement ? Leur utilisation exponentielle nous rend-elle vraiment service ?
Pour comprendre ce qu’est une nanoparticule et les très nombreuses utilisations qui en sont faites, tu peux d’abord lire l’article « Nanoparticules : molécules mini avec puissance maxi ».
Les nanos et la santé
Dans la course folle aux nanomatériaux, dans les années 80-90, un paramètre a été volontairement laissé de côté pendant trop longtemps : la toxicologie. Pourtant, avant de lancer sur le marché une innovation de ce type, la preuve de son innocuité devrait être apportée. Malheureusement pour la population, concernant les nanos, peu de soutiens financiers ont été apportés aux chercheurs, et les quelques études aux conclusions alarmantes ont été rapidement enterrées. L’appât du profit et des « avancées technologiques » était trop fort.*
*Cf « Nanotoxiques, une enquête » de Roger Lenglet, livre cité plus en détail dans les sources en fin d’article
Bien qu’elles restent insuffisantes, de nombreuses recherches sont maintenant menées, ciblant l’effet environnemental des nanoparticules de synthèse, ainsi que leurs conséquences sur l’organisme : cancérigènes, neurotoxiques, toxiques pour le foie, mutagènes, toxiques pour la reproduction… Il est impossible de définir avec exactitude leur comportement, étant donné que toutes les molécules de taille nanométrique sont différentes. Selon leur nature et leur porte d’entrée dans l’organisme – inhalation, ingestion, passage trans-cutané, injection… – leur impact et le risque qu’elles représentent ne sont pas les mêmes.
Un autre problème est que les méthodes d’analyses toxicologiques classiques ne sont pas adaptées à l’étude des nanos. Ces particules ont un comportement qui semble comparable à celui des perturbateurs endocriniens : à très faible dose, en absorption régulière, les conséquences sur l’organisme peuvent être plus délétères que pour une grosse dose absorbée d’un coup.
Les nanos dans l’environnement
Etant donné que les nanomatériaux ont littéralement envahi notre quotidien, leur rejet dans l’environnement ne peut être nié. Entre évacuation de l’alimentation humaine et des médicaments dans les égouts, cosmétiques rincés dans la douche, crèmes solaires qui se déposent dans le sable et la mer, vêtements qui relarguent leurs substances lors des lavages, freinage des voitures qui détachent des nanoparticules des pneus, traitement de l’eau à base de nano-argent… Ces molécules finissent immanquablement leur vie dans la nature.
La même question se pose alors pour les nanos que pour les résidus de pesticides, de médicaments et de plastique : quid de leur impact sur la faune et la flore ? Une étude fait d’ailleurs état d’un cocktail explosif entre nanoparticules diverses et microparticules de plastique dans l’environnement : ensemble, elles auraient des effets dévastateurs démultipliés !
Enfin, certaines molécules, à fortiori lorsqu’elles sont à l’état nanoparticulaire, ont des conséquences désastreuses sur le phytoplancton : cette algue microscopique qui produit la moitié de l’oxygène terrestre et sert de nourriture aux poissons qui eux-mêmes servent de nourriture aux oiseaux, aux prédateurs marins, à l’homme…
La puissance des lobbies
Alors que les doutes s’installent dans certains esprits sur les finalités toujours positives de l’utilisation des nanos, plusieurs autorités publiques* ont rendu leur propre avis sur la question. Toutes se rejoignent sur le manque d’études permettant de juger de l’innocuité totale des nanoparticules et font état de conclusions préoccupantes pour certaines d’entre elles. Bizarrement, leur appel à la vigilance et au principe de précaution ne sont pas (ou si peu !) suivies par les industriels et l’Etat.
*L’OMS, l’AFFSET, l’AFFSA, l’ECHA, l’ANSES…
La dernière démonstration en date de l’inertie de l’Etat est celle de l’interdiction du dioxyde de titane dans l’alimentation, promise par le gouvernement Macron. Cet additif, connu sous le code E171, est incorporé sous forme nanoparticulaire dans des sauces, des bonbons, des desserts glacés, des chocolats, des dragées, ou encore, des plats préparés… La loi, mettant fin à son utilisation, n’a failli pas voir le jour et a été finalement validée en avril 2019, après de très nombreuses relances de plusieurs associations de défense de la société civile. Elle sera applicable à compter du 1er janvier 2020, pour les denrées alimentaires.
En revanche, il n’a pas été question d’une éviction de ce même dioxyde de titane dans les dentifrices, dont ceux pour enfants. Ni même dans les très nombreux médicaments qui en contiennent. Et cela bien souvent pour une question esthétique : rendre la pâte, la crème, la poudre ou le comprimé plus blanc que blanc et brillant. Très important pour ton mal de tête, bien sûr.
Une chose est sûre, les lobbies font un travail de fond depuis longtemps, pour nous faire croire que les nanos sont sans risque. Pourtant, on ne maîtrise pas ces particules aussi bien qu’ils ont l’air de le dire. Et le doute paraît logique : d’un côté, les nanos sont revendiquées comme « merveilleuses » pour les avancées médicales car aucune barrière physique ne leur résiste. Et d’un autre, on nous assure qu’elles ne traversent pas la peau ni la barrière intestinale…
Le non-respect de l’obligation d’étiquetage
Les chiffres font état de 450 000 tonnes de nanomatériaux importés ou fabriqués en France chaque année, mais il semblerait que ces données soient totalement faussées. Les industriels ont l’obligation de déclarer leur utilisation et commercialisation, pourtant, une très grande majorité d’entre elles passent entre les mailles du filet – sûrement car elles sont trop petites… ahahah humour noir. Pardon.
Ils sont aussi censés annoter leur présence sur l’étiquette des produits qui les contiennent en alimentaire et cosmétique : sous le format ingrédient [nano]. Malheureusement, peu sont en règle. On trouve deux explications à ce manquement : le coût exorbitant des analyses, impossibles à réaliser pour les petites marques, et la rébellion des industriels, qui trouvent des parades à la loi, comme par exemple, utiliser des particules de taille à peine supérieure à la limite légale.
L’UFC-Que choisir a d’ailleurs épinglé certaines marques alimentaires et cosmétiques, qui utilisaient des nanos sans le préciser, comme des filtres UV dans les produits solaires – voir l’article « Le mythe du produit solaire parfait ». De son côté, le label bio cosmétique Cosmebio, qui a conscience des difficultés de s’assurer de l’absence certaine de nanos, a récemment rappelé à ses adhérents de ne pas noter « sans nanoparticules » sur leur packaging, pour éviter toute déconvenue en cas de contrôle.*
*Le marquage « sans nanoparticules » est par ailleurs interdit par la réglementation cosmétique… Mais encore trop peu de marques sont en règle !
Peut-on encore se protéger des nanos ?
On ne nous dit pas tout. Voire on ne nous dit RIEN. Et c’est bien le problème ! Comment se prémunir d’une menace invisible et inconnue ? L’évitement ne pourra pas être total, comme pour les perturbateurs endocriniens (voir l’article « Comment préserver sa grossesse et ses enfants des perturbateurs endocriniens« ).
Les seules pistes que je peux te donner sont :
- Fais le choix d’une alimentation non transformée – malheureusement, le bio n’est pas épargné par l’utilisation de nanos, mais des changements semblent prévus pour 2021, affaire à suivre…
- Utilise de produits d’hygiène simples, sans paillettes ou colorants inutiles, et bannis les formats en spray pour éviter d’inhaler des nanoparticules – dans lesquelles la présence est normalement interdite !
- Garde tes produits cosmétiques pour un usage raisonné et uniquement sur peau saine : coup de soleil, rasage, épilation, acné… sont des portes ouvertes pour une pénétration des nanos dans la peau.
- Pour les vêtements et textiles, évite autant que possible les tissus dits « innovants », aux propriétés magiques, plus susceptibles de contenir des nanos qu’un tissu classique : vêtement anti-uv (= nano-dioxyde de titane), vêtement anti-odeur (= nano-argent)…
- Pour toutes les applications, ce qui est vanté comme « auto-nettoyant » ou « antibactérien » doit te mettre la puce à l’oreille. Le nano-argent est caché derrière, et avec lui, le risque d’une résistance bactérienne, comme avec les antibiotiques.
Enfin, c’est aussi à TOI, citoyen, consommateur, de faire entendre ta voix et tes attentes sur ce sujet. Interroge les marques : il y a fort à parier qu’elles ne te répondront pas clairement si des nanos sont utilisées, mais ça aura au moins le mérite de montrer que les consommateurs ne sont pas dupes ! Parle du sujet autour de toi, fais circuler l’information. Plus nous serons nombreux à remettre en question l’utilisation massive et en toute impunité des nanos, plus les industriels seront forcés de se remettre en question !
Soutien, sources, lectures :
http://veillenanos.fr Pour se tenir informé des avancées scientifiques, des études toxicologiques et environnementales et des décisions politiques, je vous conseille ce site. Il est unique en son genre dans toute l’Europe.
Le travail de l’association AVICENN qui l’alimente mérite d’ailleurs d’être reconnu et soutenu. AVICENN participe activement à la protection de la population vis-à-vis des nanos. Elle agit main dans la main avec des ONG et des associations de consommateurs de toute l’Europe auprès des gouvernements et de la Commission Européenne. Vous pouvez faire un don ici si vous souhaitez la soutenir.
Nano Toxiques – une enquête, par Roger Lenglet, journaliste d’investigation, éditions Actes Sud, 2014. Pour comprendre comment « on en est arrivés là », avec la puissance des lobbies dans le monde, et tenter de repérer où se cachent les nanos dans notre quotidien.
https://www.cosmebio.org/fr/nos-dossiers/dioxyde-titane-cosmetiques-bio/ Les conclusions de Cosmebio sur l’autorisation partielle des nanos dans les cosmétiques bio et leur avis sur le Dioxyde de Titane… Intéressant !
https://aixenprovence.ufcquechoisir.fr/wp-content/uploads/sites/114/2017/02/nanomateriaux-ou-se-cachent-ils-_V2-23-02-2017-3eme-partie.pdf Document de l’UFC-Que choisir avec de nombreuses sources et études citées. Des informations sur la « colonisation » de notre alimentation par les nanos.
https://www.ouest-france.fr/sante/medicaments/nanoparticules-du-dioxyde-de-titane-trouve-dans-six-medicaments-5640605 Du nano-dioxyde de titane dans les médicaments courants.